Bureau de Alexandre CanterChase

L'un des traits essentiels d'Alexandre CanterChase était son petit sourire narquois qui ne le quittait jamais.

"Vous avez frappé à la bonne porte. Parlez moi de votre fortune. A combien s'élève-t-elle ? Sous quelle forme en disposez vous ?"

Il prit un papier, et commença à écrire au stylo plume. Son très grand éventail noir reposait près de lui. Il regardait son vis à vis d'un regard inflexible et froid, sournois et railleur.

Alexandre nota la somme, et l'espace d'un instant, une étoile scintilla dans ses yeux.

"Très bien. Avez vous les papiers relatifs à l'acquisition de cette somme ? La confirmation des notaires, ainsi que l'aval nécessaire de l'avocat ?"

Il sourit un instant, puis continua :

"Je peux me charger de les trouver pour vous si vous le désirez. Toutefois, je tiens à préciser que pour une telle somme, des comptes spéciaux seront à établir. Bien. Dites moi ce qui vous interesserez."

Alexandre examina scrupuleusement chaque pièce de papier, puis pointa son regard vers Philippe.

"Eh bien je peux m'en occuper. Mais vous ne m'avez pas dit sous quelle forme vous disposiez de cet argent."

Il réfléchit un instant, puis dit.

"Vous avez l'air d'un client tout à fait scrupuleux, aussi vais-je m'employer à satisfaire à vos demandes ... Toutefois, pour une telle demande ... sachez que deux comptes à un même nom est très peu courant, même dans une banque aussi libérale que celle ci ... mais si nous parvenions à un accord, ça ne poserait pas de problème ..."

Alexandre éclata de rire, puis reprit son expression inflexible.

"Je n'ai nul besoin d'égards vis à vis de nos politiciens. La clause que j'allais vous proposer était la suivante : vu l'importance de la somme, en cas de décès du tuteur du compte, vous, eh bien la Banque prélèverait un tiers de la somme contenue par chaque compte, ce afin de nous épargner trop de soucis de gestion, comprenez vous ..."

Il écrivit ceci, puis reporta son attention sur Philippe.

" La politique ne m'interesse pas. Mais maintenant que vous abordez le sujet ... avez-vous entendu ces rumeurs concernant certaines corruptions qui proviendraient peut-être de l'existence plus ou moins officielle de certaines factions, de certains clans ?"

Son regard restait inflexible.

Alexandre sourit. Apparement il avait su percé la carapace de Philippe. C'était une bonne chose.

"Êtes vous certains de ce que vous avancez ? Moi même je me prends parfois à penser que ces rumeurs, si enjolivées soient elles, ont souvent un fond de vérité ..."

Il continua d'écrire, puis ajouta.

"Donc pour le contrat, dois-je retenir la clause que j'ai citée plus haut ?"

Alexandre posa son stylo, saisit son éventail, et s'en éventa doucement.

Il se leva pour aller contempler un plan de la Nécropole, puis se tourna vers Philippe.

"Et vous, iriez vous jusqu'à faire parti d'un de ces clans pour parvenir à vos fins ? Ou peut-être êtes vous l'un des derniers politiciens honnêtes de cette ville ?"

Il sourit sournoisement, puis détourna son regard de Philippe.

"Oubliez ma dernière question, et si vous le voulez bien, répondez à la première uniquement."

La coupure de courant gêna quelque peu le personnel de la Banque, mais des générateurs sécuritaires ramenèrent la Lumière dans le monde des finances.

"C'est facheux ..."

Il se rassit, puis continua d'écrire.

"Je vous prie de m'appeler Monsieur CanterChase. Nous gardons tous nos vices patriotiques, n'est ce pas ? Eh bien. Je crois que nous pouvons signez le contrat relatif aux deux comptes. Bien entendu, en cas de décès, les clauses sus-dites seront respectées. Vous signez ici ..."

Alexandre ne sourit point, mais ses yeux étincelèrent.

"Point du tout, seulement je tiens à ce qu'il soit clair que ce qui importe pour moi, c'est que la Banque prospère dans la légalité la plus légitime. Vous n'êtes pas sans savoir que des hommes doués d'importance comme vous, ou moi, s'attirent très facilement beaucoup d'ennemis."

Il soupira, puis continua.

"C'est hélas notre lot quotidien qu'essuyer les menaces de mort ..."

Il prit alors le contrat contresigné, et tendit sa main vers Philippe.

"Mais vous savez, il y a d'autres façons de se protéger de ce genre d'ennemi que de contracter des assurance vie ... Toutefois le temps passe vite, et je me vois contraint de vous laisser. La journée s'annonce fort intéressante, et je ne veux en perdre une miette. Maintenant que le contrat est signé, vous recevrez incessament sous peu le dupplicata de notre entente. Bonne journée à vous."

Il accompagna Philippe jusqu'à la porte de son bureau, sortit et fermé le bureau à clef. Laissant son vis à vis dans le couloir, il se dirigea vers le Hall, traversant la grande esplanade.