Une rencontre inattendue (à l'intention d'Ayla Vendell ONLY)

Il était tard et David venait à peine de rentrer de sa longue promenade en ville. Les rayons du soleil avaient disparu depuis quelques heures et il constata, non sans dissimuler sa joie, qu'il avait, pour la première fois depuis cette nuit tragique, surmonté sa peur. Il venait de gagner un combat important contre sa phobie et était à présent empli d'une euphorie mêlée à un orgueil qu'il n'aurait pas dû ressentir. Il décida de fêter cette bonne nouvelle et but plusieurs bouteilles de bières avant de sombrer dans un sommeil profond. Lorsqu'il se réveilla le lendemain matin, il se sentait fébrile et affreusement nauséeux. Sa bonne humeur avait disparu pour laisser place à de l'amertume quant à son attitude puérile. Il resta au lit durant plusieurs heures encore, lisant le quotidien de la veille et notant dans son journal les quelques événements importants. Plus qu'un divertissement, c'était devenu une obsession de tout noter comme s'il voulait absolument se tenir au courant de tout.

Vers midi, il décida de se lever mais sa tête tournait et ses membres étaient encore ankylosés. Il parvint à avancer à petits pas jusqu'à la cuisine où il se prépara un grand bol de café, quelques pancakes parsemés de sirop d'érable et un verre de jus de pamplemousse. Après avoir copieusement mangé, il enfila un baggy noir, un pull blanc et une veste noire. Il lut durant tout l'après-midi et lorsque enfin le soleil se coucha, il décida d'aller au bar le plus proche afin de se prouver qu'il avait bel et bien vaincu sa peur. Il erra dans les ruelles sombres et déjà, il se sentit beaucoup moins à l'aise que la veille. Et puis au détour d'une ruelle, il croisa une jolie jeune femme à la longue chevelure rousse…

Ayla errait sans aucun but dans les ruelles. Elle était vêtue d'un baggy noir et d'un corset de cuir, et portait un long manteau de cuir noir noir sur ses frêles épaules. Il faisait nuit et elle se sentait particulièrement bien, malgré le froid qui se faisait bien sentir. Ayant pris sa dope il y a de cela à peine une heure, son humeur s'était considérablement améliorée par rapport à d'habitude. Ses sens aiguisés décelèrent la présence toute proche d'un humain, un jeune homme plus précisément. Elle eut un sourire et sa démarche se fit plus discrète, elle se fondait dans l'ombre des murs.

Finalement, elle constata que l'inconnu venait dans sa direction, alors elle changea de tactique. Elle marcha au milieu de la ruelle et ne tarda pas à croiser le jeune humain. Elle ressentait son mal être, et elle devinait sa peur. Elle passa à côté de lui, lui adressa un sourire charmeur accompagné d'un imperceptible mouvement de tête qui fit onduler ses longs cheveux flamboyants. Bien décidée à s'amuser, elle prit un air perdu et hésita sur la direction à suivre quelques mètres seulement après avoir croisé la pâle silhouette. Elle savait que ce dernier allait se retourner, il ne pouvait pas en être autrement. La perspective de boire un sang dont elle manquait la fit frissonner et elle se contrôla, enchantée à l'idée d'avoir trouvé une proie.

David était de moins en moins rassuré au fur et à mesure qu'il arpentait cette ruelle sombre où le silence était pesant. Son pouls s'accéléra quand il aperçut une silhouette qui s'avérait pourtant ressembler à une démarche et une allure féminines. Il croisa donc la jeune femme quelques mètres plus loin. Celle-ci lui adressa un sourire charmeur et sa chevelure rousse envoûta David de par son mouvement ondoyant et insaisissable. Alors qu'il s'apprêtait à accélérer le pas pour fuir cette situation angoissante (en tout cas pour lui), il eut un réflexe qui ne lui ressemblait pourtant pas : il se retourna sur l'inconnue. Elle avait l'air un peu perdue et, dans la bonté qui le caractérisait, il décida d'aller à sa rencontre afin de l'aider si elle en ressentait le besoin… Sa démarche était mal assurée et sa voix un peu tremblotante mais il parvint à prononcer ces quelques mots :

- Bonjour ma demoiselle, puis-je vous aider ? Vous semblez égarée et cela serait fort dommage qu'un étranger mal intentionné vienne vous importuner à cette heure avancée de la nuit…

Sous ses faux airs charmeurs, David était en réalité complètement paralysé. Non pas par cette charmante jeune femme qui lui paraissait tout à fait délicieuse mais simplement par la nuit, l'obscurité et le peu de sécurité qui régnait en ces lieux. Ainsi, bien malgré lui, il se mit à trembler et de ce fait, resserra sa veste noire contre lui afin de ne plus ressentir avec autant d'intensité le vent qui s'était subitement levé. Il espérait que la jeune femme qui se trouvait en face de lui ne se jouait pas de lui, après tout il était toujours aussi paranoïaque et tout un tas d'hypothèses affluait dans son esprit. Il ne pouvait se résoudre à paraître détendu alors qu'il voyait le danger tout autour de lui…

Ayla regardait de son air le plus innocent possible le jeune homme. Comme elle l'avait prévu, il était venu vers elle, mais sa voix assurée était en totale contradiction avec son attitude et ce que percevait l'envoutante vampire. Dissimulant ses canines, elle lui dit d'une voix douce :

_ Je ne suis pas vraiment perdue... C'est très aimable à vous de vous inquiétez pour ma sécurité personnelle, mais ce pourrait être vous l'étranger mal intentionné...

Tout en parlant elle le fixait de ses grands yeux verts. Il avait un visage qu'elle aurait trouvé angélique s'il n'affichait pas ces signes de tension et de peur. Signes non remarquables, et non remarqués par le commun des mortels, mais qu'Ayla sut détecter. Elle se surprit elle même lorsqu'elle continua d'une voix suave :

_ Bien que vous n'ayez pas l'air d'un violent agresseur, je vous rassure. Vous pouriez peut-être m'aider, en effet.


Elle s'était rapprochée de lui et affichait un petit sourire mutin.

*Il ne pourra pas résister... C'est étonnant que je ne l'ai pas déjà mordu... J'avouerai qu'il est charmant, et même très séduisant...*

La peur qu'il dissimulait avait aiguisé la curiosité d'Ayla. Elle décida d'en apprendre un peu plus sur son compte.

*Il doit ressentir une forte inquiétude...Un peu parano suremment. Il ne me regarderait pas de cette façon sinon. Bien, il va falloir jouer prudemment à ce que je vois...*

Elle frissona et resserra son châle autour d'elle.

_ Je cherchais quelqu'un mais... Enfin il semblerait que... Bref, ce n'est pas grave. Je m'appelle Ayla, et vous ?

L'air innocent de la jeune femme envoûtait à présent David qui ne pouvait définitivement plus détacher son regard de celle-ci. Ses yeux verts intenses captaient son attention. Ses longs cheveux roux lui donnaient une irrésistible envie d'avancer vers elle, toujours plus près, afin de pouvoir toucher sa peau, sans aucun doute, douce et diaphane. Sa voix suave lui faisait subtilement tourner la tête. Il était sous le charme de la jeune femme et ne savait plus quoi faire pour le dissimuler. A présent, ses membres ne tremblaient plus à cause de la peur, il avait fait une totale abstraction du fait qu'il se trouvait dans une ruelle sombre, mais uniquement par l'envie croissante qu'il ne pouvait assouvir. Les lèvres délicates de la jeune femme étaient désormais son principal sujet de préoccupation. Il désirait ardemment l'embrasser, passer ses mains autour de sa taille fine et sentir son souffle sur sa nuque. Il parvint, tant bien que mal, à détacher son regard de la bouche de la jeune femme pour derechef plonger dans ses grands yeux émeraude. Puis, il lui dit d'une voix hésitante :

- Je m'appelle David… Je suis vraiment enchanté de faire votre connaissance, Ayla. La rareté de votre nom n'équivaut cependant pas la beauté de votre personne. Permettez-moi de vous dire que je vous trouve vraiment très charmante…

Il se racla la gorge silencieusement et regretta amèrement d'être toujours plus hâtif. Les mots qu'il venait de prononcer ne le plaçaient pas forcément dans une position de force face à Ayla. Elle savait à présent qu'elle pouvait se permettre de dominer étant donné que David n'avait en aucun cas le pouvoir de rivaliser ou plutôt de résister. Comment pourrait-il ne pas succomber à tant de charme ? Elle était merveilleuse et il émanait d'elle une sorte de mystère entêtant et ravageur. Il voulait tout savoir sur elle et ne pensa pas un seul instant qu'elle pouvait représenter quel que danger que ce soit. La sombre princesse Ayla, beauté froide et déstabilisante…

Ayla rougit, non pas de plaisir ou de pudeur au compliment, mais parce qu’elle ressentit une brusque envie, un besoin soudain et impérieux qu’elle tentait d’oublier depuis un petit moment. Elle continuait à sourire à David, et réfléchissait à deux opportunités qui s’offraient à elle. Ou elle se jetait sur le jeune homme et le tuait froidement, ce dont elle était parfaitement capable, et cela lui permettrait d’assouvir sa soif de sang, ou bien elle écoutait la petite voix qui s’insinuait en elle. Un soupçon d’humanité qu’elle n’avait pas éprouvé depuis des années. Son statut de vampire associé à celui de toxicomane l’avait amené à faire une totale abstraction de tout sentiments. Le seul être, le dernier qui avait été capable de lui faire ressentir une pareille chose était Fenrrir, mais elle l’avait perdu.

Chassant ses tristes pensées de son esprit, elle décida de se laisser séduire par le charmant humain. Il lui plaisait, et de toute façon elle ne perdrait pas le contrôle de la situation. Elle parla d’une voix basse, ce qui obligea David à se rapprocher d’elle.

_ J’aime beaucoup votre prénom… Merci pour le compliment, je pourrais vous le retourner.

Elle avait posé sa main sur l’avant bras du jeune homme. Elle le sentait en confiance, totalement sous son charme. Elle réprima un rictus.

*C’est bien, tu n’as plus peur… Tu seras à moi, mon cher… *

Elle laissa intentionnellement glisser son châle, et, comme elle l’avait prévu, David eut le réflexe de le retenir. Elle se retrouvait maintenant dans ses bras, à une distance très peu respectable de son visage. Elle resta immobile, se contentant de respirer un peu plus rapidement que la normale.

*A toi de jouer… Vas-tu résister ou céder à la tentation de mes froides lèvres ? *

Lorsqu'il vit les joues de la jeune femme s'empourprer, David esquissa un sourire furtif. Il essaya de comprendre pourquoi le visage d'Ayla avait pris une délicate couleur rouge alors qu'elle semblait maîtriser la situation. Et puis, lorsqu'elle prit la parole, il ne put s'empêcher de s'approcher, profitant ainsi de la situation. Peut-être avait-elle fait exprès de parler si bas ou peut-être avait-il feinter de ne pas entendre. Il ne réfléchissait plus à rien et était encore totalement sous l'emprise de la beauté froide de cette jeune femme. Lorsque son châle glissa, David le rattrapa de justesse, bien trop obnubilé par les yeux Ayla pour se soucier des détails. Alors qu'il était maintenant à quelques centimètres à peine des lèvres d'Ayla, il sentit son cœur battre plus fort. Lui qui avait toujours été solitaire et exagérément misanthrope se trouvait face à Elle. Elle qu'il connaissait à peine mais pour qui il éprouvait déjà bien plus que de l'amitié ou une simple affection. Néanmoins, il ne voulut pas l'embrasser de suite, bien que la tentation était grande. Il la serra fort contre lui, exhalant le parfum suave qui émanait d'Elle, inspira profondément, se rendit compte qu'il manquait cruellement d'air, et lui caressa doucement les cheveux -au demeurant bien plus doux encore qu'ils ne le laissaient paraître. Enfin, il murmura à l'oreille d'Ayla :

_ Je ne voudrais vraiment pas profiter de vous. J'ai juste très envie de mieux vous connaître. J'espère ne pas vous décevoir.

Puis, il déposa un baiser sur la joue d'Ayla. Laquelle était particulièrement froide, malgré sa couleur vermeille. Il lui saisit la main, elle aussi glaciale, et la regarda longuement dans les yeux. Enfin, il tenta désespérément de lui demander quelque chose mais les mots ne semblaient pas vouloir sortir de sa bouche. Il pensa tout d'abord que cela était trop rapide et trop audacieux puis il se dit que s'il ne lui demandait pas, il le regretterait amèrement. Finalement, il garda le silence et attendit la réaction de la jolie rousse.

Ayla frissonna dans les bras de David. Elle sentit le pouls du jeune homme qui s'accélérait. La perspective de tout ce sang, si chaud et si délectable la mettait dans un état d'excitation peu maitrisable. Respirant doucement, elle se calma.

* Doucement, tu ne vas pas le massacrer... Il vaut largement mieux qu'un quelconque ivrogne paumé....*

Elle ferma les yeux un instant, savourant les caresses du jeune humain. Oh, combien de temps cela faisait-il que quelqu'un ne l'avait traitée avec autant de tendresse et de douceur.... Elle décida de faire preuve de gentillesse, pour une fois dans sa vie...Elle leva ses mains et les posa sur les joues de David. Ce dernier frémit au contact des paumes gelées, et résista un peu quand Ayla lui inclina doucement la tête.

_ Ferme les yeux et laisse toi faire...
Elle remarqua alors deux traces bien distinctes, et surtout bien reconnaissables pour quelqu'un de son espèce.

* Je comprends mieux ta peur à présent... Ces cicatrices sont pourtant très anciennes... Tu as été totalement traumatisé...*

Elle déposa un délicat baiser de ses lèvres douces et froides comme le marbre à l'endroit de la vieille morsure.
David trembla et tenta de la repousser.

_ Qu'y a-t-il ? Tu ne veux pas de moi ?

Elle savait parfaitement pourqoi il avait eu ce réflexe, mais elle voulait qu'il lui ouvre son coeur....

David se sentait bien dans les bras d'Ayla. Elle lui apportait tout ce dont il avait cruellement manqué durant toutes ces années, depuis cette fameuse nuit où Lestat lui avait impunément planté ses crocs dans la chair. Bien que ses mains étaient particulièrement froides, le simple contact de cette peau douce sur ses joues lui réchauffa le cœur et lui arracha un sourire de satisfaction inaltérable. Cependant, il ressentit de nouveau une certaine angoisse lorsque la jeune femme lui fit légèrement pencher la tête. David pensa alors qu'il avait à faire à une vampire, la même que Lestat mais en plus belle et plus cruelle. Elle l'avait ensorcelé et avait à présent l'intention de lui prendre la vie. De surcroît, il fallait qu'il se laisse faire alors que son état névrotique reposait précisément sur cette sombre histoire de vampirisation. Menteur, tueur, démon… Et puis, alors que les larmes commençaient à perler sur ses joues pâles, il sentit les lèvres glaciales de la jolie rousse venir lui embrasser sa morsure, cette morsure ignoble qui le répugnait. Le jeune homme trembla suffisamment pour que Ayla le remarque et il décida de la repousser, bien que son geste était loin d'être voulu. Les larmes aux yeux et la voix tremblante, il essaya tout de même de répondre à sa jolie rousse :

_ Ce n'est vraiment pas contre toi… Je… je crois que ça me rappelle trop de mauvais souvenirs et je n'ai pas envie de t'associer à… Lui.

Il se rapprocha d'Ayla et la serra de nouveau très fort contre lui. Il sentit un doux effluve envahir ses sens et se rendit compte à quel point il la trouvait merveilleuse. Elle était tout le contraire de Lui. Ainsi, il décida de lui proposer quelque chose qu'il aurait dû lui demander depuis longtemps déjà :

_ Ayla, est-ce que tu… voudrais venir chez moi, juste pour cette nuit ? Je dois t'avouer que la nuit me terrorise et je crois que je serai plus rassuré si on était à l'abri. Tu… Tu veux bien ?

Ayla s’était doutée que son baiser pouvait provoquer une réaction brutale chez David. Mais elle n’avait pas imaginé qu’il serait bouleversé au point de pleurer. Attendrie, elle ne pensait plus à la sensation de picotement dans son avant-bras, signe que l’héroïne qu’elle avait pris une heure plus tôt ne faisait plus effet. Lorsque David la prit pour la deuxième fois dans ses bras, elle s’abandonna à la tendresse. Elle lui rendit la force de son étreinte, tentant de rassurer le jeune humain tremblant dans l’écrin protecteur de ses bras fins et pâles. Elle essuya une larme qui perlait sur la joue de son compagnon et lui adressa un sourire triste.

*Tu as l’air si fragile… Pourquoi m’as-tu rencontrée, je suis la dernière des personnes qui puisse t’apporter ce dont tu as besoin…*

Elle sondait son esprit, grâce à ses pouvoirs télépathiques. Le jeune homme souhaitait ardemment qu’elle l’accompagne chez lui. Il craignait un être semblable à elle, il l’exécrait, ce personnage qui avait bouleversé une grande partie de sa vie.

Quand il lui proposa de venir passer la nuit avec lui, elle eut une hésitation, elle ne voulait pas lui faire de mal… Il était si charmant, il lui plaisait, et il était terrifié… Elle finit par accepter, il comptait sur elle et la désirait auprès de lui.

_ Bien sûr, je t’accompagne avec joie… Il me semble que je ne risque rien avec toi.

Tout en disant ces quelques mots, elle lui avait pris la main et avait esquissé un clin d’œil mutin destiné à faire revenir le sourire sur son délicat visage androgyne.

* Tu ne peux pas en dire autant, malheureusement… Ma compagnie n’est pas sécurisante, bien au contraire. Tu en as l’impression mais tu te trompes… Tu ne seras à l’abri nul part où je me trouverai… *

Dans un brusque frisson, elle se colla à lui, prenant la résolution de lui faire oublier ce Monstre… Tout en se promettant de lui avouer qu’elle en était un, et de la pire espèce qui soit…

Derrière ses larmes honteuses mais pourtant terrifiantes de sincérité, David esquissait un grand sourire. Il avait réussi à convaincre Sa jolie rousse et désormais, il savait qu'il n'avait plus rien à craindre. Au moins pour cette longue nuit qui l'attendait, qui les attendait. Non seulement, sa réponse positive avait stoppé les quelques gouttes lacrymales qui s'échappaient encore de ses yeux bleu pâle mais en plus de cela, le simple fait que Ayla lui donne la main et tente de le réconforter l'avait littéralement rendu ivre de joie. Lorsque la jeune femme se rapprocha de lui, il se sentit davantage sécurisé et il était maintenant convaincu qu'elle allait lui apporter tout ce dont il avait besoin.

Lorsqu'ils arrivèrent devant chez lui, après avoir parcouru quelques ruelles tortueuses et respirant le danger et l'insalubrité, David ouvrit délicatement la porte pour ne pas réveiller ses voisins. Puis, il alluma la lumière qui éclaira le désordre caractéristique de son appartement. Le plateau sur lequel il avait placé le menu de son petit déjeuner était encore négligemment disposé sur la table. Les couvertures n'avaient pas été replacées convenablement et quelques verres étaient entreposés sur sa table de nuit. Un peu honteux d'emmener une si jolie princesse dans un tel capharnaüm, David la regarda et, cette fois, d'une voix un peu plus assurée, lui dit en souriant :

_ Je suis vraiment désolé… Je ne savais pas que tu viendrais, personne ne vient jamais à vrai dire… Alors, c'est un peu… à mon image : un amas d'objets en vrac éparpillé dans une pièce froide et peu accueillante.

Il s'arrangea pour faire un peu de place sur son lit en tirant nonchalamment les draps. Puis, il se retourna vers Ayla et lui dit :

_ Tu veux quelque chose à boire ou… ?

Il ne put se retenir plus longtemps : il s'approcha d'elle et la serra de nouveau très fort. Puis, il lui murmura :

_ Je tiens vraiment à te remercier, je ne sais pas dans quel état je serais sans toi…

Ayla avait accompagné David, et tout le long du chemin elle n'avait cessé de lui tenir la main. Tout comme elle n'avait cessé de réfléchir, torturée par la crainte qu'elle éprouvait de lui faire du mal, et en même temps par la soif de sang qui la tiraillait. Elle le suivit et découvrit lorsqu'il alluma la lumière, un joli petit appartement confortable. David s'excusa du soit disant "chantier" qui régnait, mais Ayla s'en fichait totalement. Elle considérait le studio de son ami comme un refuge, comparé aux endroits glauques où elle avait l'habitude de passer le plus clair de son temps.

_ Ne t'en fais pas pour moi, le désordre est vraiment la dernière chose à laquelle je prête attention...

Ayla se sentait nerveuse, et elle tremblait légèrement.

_ Je voudrais bien quelque chose d'alcoolisé, si tu as...

Pendant que David cherchait un verre et de quoi le remplir, Ayla avait ôté son manteau et l'avait posé sur le dossier d'une chaise. Puis elle s'était approchée du lit et s'y était asssise. Elle se surpris à sourire, sans aucune raison apparente. Elle se releva et dit :

_ Oublie le verre, je n'ai pas soif...

Elle prit les mains de David qui s'était retourné.

* Ce que tu serais devenu sans moi... Tu aurais surement sauvé ta peau. *

En ôtant son manteau, elle n'avait pas songé que ses bras étaient nus, et que les marques des nombreuses piqures des seringues étaient assez apparentes. Malgré qu'elle soit vampire, ses prises de drogue étaient trop fréquentes pour que sa peau se regénère. Mais beacoup de ces marques dataient d'avant sa vampirisation. David n'eut certainement pas le temps de remarquer ses stigmates, il avait l'air bien trop absorbé par le fait qu'elle se tienne si près de lui, en tenue relativement légère.

Passant ses bras autour du cou du jeune homme, elle s'approcha doucement et l'embrassa, d'un baiser long et tendre qui elle même la fit frémir.

_ Je n'ai pas fait grand chose pour toi, tu sais... Tu cours à ta perte en m'acceptant chez toi... Je ne veux pas te faire de mal.

Elle marqua une pause, puis repris d'un ton narquois :

_ Et tu n'es pas froid et peu accueillant, bien au contraire....

David savait que cela finirait par arriver. Ce besoin irrépressible d'embrasser Ayla l'obnubilait depuis qu'il avait posé ses yeux sur elle mais, assez curieusement, il avait réussi à se contenter d'admirer la jeune femme. Il n'était pas vraiment d'une nature impulsive dans de telles circonstances et aimait prendre son temps quand cela était nécessaire. Or, la seule chose qui lui était indispensable à présent, c'était de réaliser ce qui venait de se produire. Les lèvres de la jolie rousse étaient glaciales mais la douceur de ce moment le lui fit oublier. Il sentit que Ayla commençait à trembler et bientôt, il ne put contenir ses légères convulsions. Ses mains tremblaient mais il parvint tout de même à les passer dans le dos de la demoiselle qui avait trouvé propice de se découvrir davantage. Il n'en fallait cependant pas tant pour que le jeune homme fût séduit voire envoûté. Il la trouvait resplendissante et ne pouvait réellement plus détacher son regard d'une telle vénusté. Bien que les mots qui jaillissaient de la bouche d'Ayla étaient prononcés avec une certaine clarté, ils ne lui arrivaient que comme des bribes qu'il assimilait avec difficulté. David ne souhaitait plus qu'une chose à présent : caresser la peau diaphane de cette princesse et restait avec elle, allongé sur les couvertures éparses, pour pouvoir admirer ses yeux somptueux. Il entendit vaguement Ayla lui dire qu'il n'était "pas froid et peu accueillant, bien au contraire" et cela le ravit davantage. Il lui adressa un nouveau sourire qui traduisait son ravissement mais aussi cette sorte de gêne passagère. Il ne voulait pas prendre l'initiative de la conduire sur le lit, il pensait que cela était un peu exagéré et malvenu. Néanmoins, il lui saisit les mains et s'approcha de nouveau d'elle pour lui murmurer :

_ Tu ne me feras pas de mal. Je le sais… Je ne m'inquiète pas pour cela.

Il avait des milliers de choses à lui dire, à lui avouer. A commencer par le fait qu'il ne pouvait résister à son charme troublant. Qu'elle était vraiment la plus jolie fille qu'il n'avait jamais vue. Et qu'il s'était attaché à elle à une vitesse incommensurable. Mais cette timidité maladive qu'il l'avait toujours empêchée de vivre librement reprenait le dessus à chaque fois qu'il pensait pouvoir prononcer ces mots. Il désirait ardemment l'embrasser de nouveau mais il en était tout simplement incapable. Peut-être avait-il peur de ne pas être à la hauteur ou simplement de profiter un peu trop de la situation. Il se souvint qu'il avait pleuré quelques temps plus tôt et qu'il ne pouvait donc pas paraître aussi radieux à présent. Le paradoxe était trop flagrant…

*Ce que j'aimerais te dire à quel point je tiens à toi… Si seulement tu pouvais m'aider un peu à faire avancer les choses, on n'ira pas loin si tu comptes sur moi, Princesse…*

Ayla aprréciait énormément les caresses du jeune homme. Inquiète cependant à l'idée de lui faire du mal, elle hésitait toujours à rester. Elle embrassa David encore une fois, avant de s'éloigner un peu pour éteindre la lumière.

_ Cela ne te dérange pas j'espère ? Je me sentirais mieux dans une ambiance plus tamisée...

La luminosité diminuée, elle retourna vers le charmant humain qui la dévorait du regard. Ses pupilles agrandies par la faible clarté reflétaient son désir, et malgré sa timidité il ne pouvait le dissimuler. Passant ses bras pales autour du cou de son futur amant, elle le poussa gentiment en direction du lit. Ses jambes butèrent sur le rebord du lit et il tomba de tout son long sur les draps à peine remis en place. Elle laissa juste le temps à David de se remettre d'applomb avant de s'installer à califourchon sur lui. Déboutonnant lentement sa chemise, elle l'embrassait tendrement sur son torse, remontant dans le cou sans s'y attarder et finissant par les lèvres. Elle avait lu les pensées du jeune homme, et se sentait triste à l'idée de devoir lui avouer sa véritable nature. Lui caressant son magnifique visage angélique, elle s'allongea à ses côtés.

* Si tu savais... Les choses vont avancer mon Ange, mais certainement pas comme tu le souhaites...*

Respirant profondément, elle commença à parler d'une voix sans timbre :

_ Tu es persuadé que je peux pas te faire de mal... Mais tu te trompes. Je suis un monstre, un monstre de la pire espèce qui soit... Un être de la même race que celui qui te terrorise... Tu as toutes les raisons de me haïr...

Songeant à ce qu'elle venait de dire, elle trouva particulièrement stupide d'être angoissée à l'idée de faire peur à un humain. Mais il était différent... Elle pensa qu'à présent, s'il tentait de la tuer, elle le laissarait la supprimer, il en serait mieux ainsi...

Elle attendit que David exprima sa réaction. Elle n'osait poser sa main sur son torse, craignant qu'il ne soit définitivement trop tard et qu'il la repousse violemment.

Brusquement, elle se redressa et se leva.

_ Il vaut mieux que je parte... Il est encore temps que tu vives. Oublie moi...


* La décision t'appartient... Ou bien je te plais vraiment, ou bien tu me mets à la porte directement... *

Rassuré à l'idée qu'Ayla prenne le contrôle de la situation, David se laissa faire. Il ne voulait vraiment pas la brusquer et elle semblait très bien s'y prendre, même si cela était un peu rapide aux yeux du jeune homme. Il profitait de ses baisers, elle embrassait divinement et jamais, dans sa courte existence, il n'avait ressenti autant de plaisir en si peu de temps. Il avait bien évidemment eu quelques aventures mais ce n'était que des filles sans importance dont il n'était jamais tombé amoureux. Désormais, tout était différent. Trop peut-être…
Ses pires craintes furent confirmées, il y avait donc une explication à cette beauté surnaturelle, ses mains si froides, ce regard si perçant et troublant. Elle était comme Lui. L'information était arrivée trop rapidement mais à présent, il fallait qu'il l'assimile, qu'il prenne conscience que la seule femme qu'il aimait était différente. Elle se releva soudainement et elle était sur le point de s'enfuir, emportant avec elle le cœur de David. Il était bel et bien tombé amoureux d'elle et il ne voulait pas que tout cesse maintenant à cause du fait qu'elle était vampire elle aussi. Il savait qu'elle ne représentait aucun danger sinon, de toute évidence, elle l'aurait déjà mordu, comme Il l'avait fait. Ce monstre, cet être qui lui avait brisé une grande partie de sa vie.

David se leva, s'avança vers sa jolie rousse et lui prit la main. Il la regarda droit dans les yeux, lesquels brillaient de nouveau à cause des larmes, et il ne put s'empêcher de lui dire :

_ Tu veux que je t'oublie ? C'est impossible maintenant. Tu es rentrée dans ma vie et je ne veux plus que tu en sortes. Cesse de te comporter comme celle que tu n'es pas. Tu aurais pu me faire souffrir bien avant et tu ne l'as pas fait…

Il marqua une pause, au demeurant bien méritée, et se demanda comment il avait pu prononcer ces mots qui pourtant lui brûlaient les lèvres. Ce n'était pas lui qui avait parlé mais… l'être qu'il était avant que l'Autre vienne le terroriser.

_ Ayla, s'il te plaît, ne pars pas… J'ai l'impression de revivre depuis que tu es là. Je t'en prie, reste…

Il s'approcha d'elle, l'enlaça et l'embrassa encore. Il la contempla, puisque c'est le seul qui convenait, il ne regardait pas cette femme, il la trouvait tellement belle, tellement désirable, il ne pouvait que l'admirer, et se trouva un peu trop sensible. Il ne l'avait jamais été à ce point, bien qu'il ait toujours été particulièrement émotif, et il savait ce que cela signifiait.

_ Ayla… C'est un peu rapide mais je t'aime…

David ne voulait pas qu'elle parte. Elle l'avait espéré au plus profond d'elle même sans réellement se l'avouer. A présent, elle avait encore une partie de la vérité à lui avouer... Le premier choc passé, il avait plutôt bien réagit.

* Mon petit Ange... Tu n'es pas au bout des tes surprises, malheureusement pour toi...*

Elle accepta avec joie, sans le montrer bien sur, qu'il la prenne dans ses bras et lui rendit tendrement son baiser. David était tellement ému et perturbé qu'elle n'avait pas d'autre choix que "d'écouter" ses pensées les plus secrètes. Il était sincère, d'une sincérité touchante tellement elle était poignante. Ayla ressentait aussi un sentiment étrange, qu'elle s'était refusée à laisser éclater jusqu'ici. Elle avait rencontrée quelques hommes pour qui elle aurait pu éprouver des sentiments forts, mais elle avait finit par les tuer. En y repensant elle frissonna, mais David n'avait pas totalement tort. Si elle avait voulu lui faire du mal, ce serait chose faite depuis longtemps...

Lorsque le jeune homme au visage si délicat lui avoua qu'il l'aimait, la jeune vampire se mit à trembler légèrement. Essayant d'ironiser une situation qu'elle ne contrôlait plus, elle dit doucement :

_ Eh bien, je ne maîtrise plus grand chose pour une fois...


Elle regarda David droit dans les yeux, ces yeux bleus pâles qu'elle aimait tant, et prononça juste une petite phrase, qui allait certainement bouleverser la vie de son jeune amant.

_ Tu sais, je crois que...je t'aime aussi...

Elle l'embrasse longuement, comme pour idéaliser et rendre plus réel ce moment intense qu'elle n'osait plus espérer dans son existence.

* Je ne suis pas certaine que tu puisses revivre... Ou alors tu vas vraiment mourir pour renaître, plus fort et plus beau encore...*

Elle poussa David en direction du lit, et lui adressa un large sourire, signe qu'elle avait totalement repris ses esprits :

_ Mais tu ne sais pas tout encore... Je te réserve le reste pour la nuit prochaine; Car je compte revenir...

Elle l'embrassa encore, lui ôtant sa chemise qu'elle avait détachée quelques minutes plus tôt. Elle lui caressait le torse, promenant délicatement sa main glacée sur les muscles finement dessinés de sa proie. Elle s'était allongée et souhaitait parler, mais elle éprouvait quelques difficultés à évoquer son principal défaut, qui lui posait beaucoup plus de problèmes que le fait de dire qu'elle était vampire.

_ En fait, non, tu n'attendra pas demain. J'ai autre chose à t'avouer, mais c'est...beaucoup moins glorieux que mon état de vampire. Tu ne sais pas à quoi tu t'engages avec moi....

Elle marqua une pause, se disant que décidément elle était en veine de confidence ce soir. Inspirant profondément, elle dit d'une traite :

_ Je suis une camée. Je suis très souvent défoncée, cela n'a pas changé. En plus de sang j'ai besoin d'héroïne ou d'autres substances du même genre.

Avec un rire désabusé, elle articula difficilement, les larmes lui montant aux yeux :

_ Vraiment, on peut dire que ta bonne étoile n'est pas efficace...

De ses yeux verts perçants, elle l'avait regardé intensément, tellement que David en avait ressenti une légère douleur au cœur. Elle semblait avoir pénétré son esprit et tout savoir de lui à présent. Mais bizarrement, bien que ne possédant aucun pouvoir de ce genre, il avait la curieuse impression qu'il s'était passé la même chose pour lui. C'était sans doute pour cette raison qu'il se sentait défaillir. Elle l'aimait Elle aussi. Cette Jolie Vampire qui cachait sa véritable nature derrière un visage séraphique, des gestes doux et agréables, une sensibilité exacerbée –en tout cas comparé à Celui que David avait rencontré. Heureusement pour lui, elle décida de retourner près du lit, maintenant qu'elle lui avait avoué son lourd secret. En tout état de cause, David était bien trop aveuglé par l'amour qu'il lui vouait pour prendre en considération ce… détail. Auparavant, il aurait fui le plus loin possible, bien trop obnubilé par sa propre mort, mais désormais, il était conscient que mourir ne lui faisait absolument plus peur. Et plus précisément si c'était cette Jolie Rousse qui lui prenait la vie… Le sourire radieux d'Ayla rendit David complètement ivre d'amour pour elle, il la trouvait véritablement divine. Même si, de par sa condition, elle semblait s'en écarter sensiblement. Néanmoins, cette félicité fut quelque peu troublée dans un premier temps mais instamment accentuée ; elle allait revenir, elle pensait à le revoir. David se sentait plonger dans une douce euphorie et rien, absolument rien ne pouvait l'en extirper.

Il s'attendait cependant au pire. Quel pouvait être cette révélation ? Elle ne pouvait de toute évidence pas être plus sérieuse que la première sinon Ayla l'aurait annoncé en premier. David tentait tant bien que mal de se rassurer mais il appréhendait les dires de la jolie demoiselle. Enfin, lorsqu'elle l'embrassa derechef, qu'elle parcourut son corps de ses mains froides mais tellement suaves, il fit abstraction pour quelques instants de ses craintes. Ce qu'elle était belle… Il ne pouvait détacher son regard de ses formes parfaites, de ses longs cheveux envoûtants, de… d'elle tout simplement.

"Je suis une camée". Les mots raisonnèrent dans sa tête durant quelques instants. Il est vrai qu'il n'acceptait guère toute forme de destruction partielle de ce genre mais… est-ce que cela était si important après tout ? Il était en compagnie d'une véritable déesse qui le comblait totalement et il aurait dû renoncer à ce bonheur simplement parce que la drogue faisait partie de son quotidien ? Il trouvait cela aberrant et pire, cela le fit sourire. La douce Ayla semblait vraiment s'inquiéter pour tout et surtout, elle paraissait ne pas vouloir le blesser. David la regarda, passa sa main dans les cheveux roux de sa Princesse et…

_ Ne pleure pas Ayla… Tu sais, je m'en fiche de tes défauts, du fait que tu sois vampire ou non. Bien que cela me terrorisait avant que je te rencontre. Mais maintenant, je n'ai plus envie de m'arrêter à ce genre de détails… insignifiants.

Il fit en sorte que la tête d'Ayla repose doucement sur son torse. Elle pourrait ainsi percevoir les battements de son cœur, rapides, forts et traduisant nettement à quel point elle le troublait. Non pas parce qu'elle était réellement différente, il le savait et n'en avait plus peur, mais parce qu'il l'aimait. De l'amour le plus sincère qui soit. Et il ne voulait pas qu'elle le quitte, ni maintenant ni jamais. Il embrassa délicatement son front et lui adressa un large sourire. De toute évidence, il ne se sentait pas menacé avec elle. Elle devait le discerner.

_ Je t'aime Princesse, ne m'abandonne pas…

Ayla reposait à présent sur le torse de David. Elle fermait les yeux, se sentant en sécurité, et , curieusement éprouvait un sentiment de bien être. Bien être qui n'avait rien à voir avec l'état dans lequel elle se trouvait après s'être défoncée. Les drogues lui permettaient de s'évader de son quotidien infernal, et de se sentir moins mal, mais pas d'atteindre une espèce de bonheur. Ayla retrouvait doucement les sensations de douceur et de tendresse qui lui avaient tant manqué depuis sa semi-mort. Elle appréciait la tournure qu'avaient pris les choses, mais redoutait toujours un dérapage. Elle avait peur d'elle-même, peur de ses réactions. David était amoureux d'elle, mais il ne la connaissait pas encore... Il avait eu un léger aperçu de son caractère, sa façon d'annoncer des choses qui auraient demandé du tact étant un peu brutale. Mais Ayla pouvait se montrer bien pire, que ce soit par la méchanceté ou le cynisme dont elle usait et abusait au quotidien.

Sans aucune transition elle se mit à songer à la vampirisation. Elle n'avait jamais engendré d'autre vampire, le meurtre la contentait, et elle avait passé ses nuits jusqu'à présent à chercher des victimes. Au début, lors de son arrivée à le Nécropole, elle avait l'espoir de retrouver la trace de Fenrrir, mais elle avait abandonné faute de résultat. Et son état physique ne s'améliorait pas avec le temps et la vie qu'elle menait... Elle passait toutes ses soirées à se droguer et à traîner, rencontrant des hommes sans aucun intérêt et se prostituant. Tout avait changé le jour où elle était morte. Un charmant vampire l'avait tuée, et cette nuit était peut être la meilleure de sa pitoyable existence de fille de la rue. A présent qu'elle s'en souvenait, elle comprenait qu'elle puisse paraître totalement irréelle à David.

Elle se redressa sur un coude pour le contempler. Lui aussi était beau, et son visage fin frôlait la perfection. On aurait dit un Ange, son expression androgyne et douce convenait tout à fait à ce qualificatif. Elle lui sourit, caressa son visage et laissa glisser sa main sur son cou. La jugulaire palpitante l'attirait, mais à présent qu'elle avait reconnu les sentiments qu'elle éprouvait pour le jeune homme, elle pouvait attendre. Elle ne voulait surtout pas précipiter les choses. La jeune vampire avait sondé David et savait que Lestat l'avait épargné car son heure n'était pas arrivée. Mais le terrible vampire avait sans doute perçu chez le jeune garçon son futur potentiel et sa beauté. Seule sa douceur de caractère pouvait dénoter, mais il semblait évident qu'il devait atteindre la perfection physique en donnant sa vie.
Elle embrassa tendrement son amant, ne pouvais résister à l'attrait de ses lèvres pleines et douces, et surtout si chaudes comparées aux siennes....

*Que veux tu petit Ange...Serais tu réellement prêt à mourir pour moi ? *

Sans plus attendre, Ayla regarda une dernière fois David dans les yeux avant d'enfouir sa tête dans son cou. Elle mordilla doucement la peau tendre et fine de sa nuque, mais n'enfonça pas profondémment ses crocs aiguisés dans la chair délectable.

Elle soupira et s'arrêta, prenant conscience de l'heure tardive. Se relevant, elle déposa un baiser sur le front de David et lui dit :

_ Je dois partir à présent, sauf si tu veux me voir mourir.... Je serais de retour ce soir mon Ange.

Ayla se releva et remit son manteau. L'aube allait bientôt poindre, et elle avait besoin de voir certaines personnes avant que ces dernières ne sombrent dans leur sommeil diurne.

Avant de sortir, elle se retourna pour regarder David qui était resté sur le lit.


_ Je t'aime... A ce soir, je viendrais mon Amour...

Elle lui adressa un clin d'oeil et lui envoya un baiser du bout des doigts avant de sortir.

David constata après quelques instants qu'Ayla paraissait étrangement pensive. Il ne pouvait pas voir son doux visage, lequel reposait sur son torse, mais il devina à son silence que la jeune femme réfléchissait à la situation. Elle devait certainement se poser les mêmes questions que lui, ou bien elle se remémorait des actes passés qui pouvait ressembler à cette nuit. David évita soigneusement de se laisser envahir par cette dernière spéculation. Laquelle était particulièrement de mauvais augure si, comme il l'imaginait, les anciens amants d'Ayla ne lui avaient servi que de repas sanguinaire. Il frissonna légèrement et, plus par réflexe que par envie, il serra davantage contre lui la jolie rousse. Il se mit à se demander comment il pouvait être en compagnie d'une vampire, de surcroît en étant épris d'elle, dans son lit, à une heure aussi tardive et sans éprouver le moindre sentiment d'appréhension. Quelques heures auparavant, il était littéralement pétrifié à la simple évocation du mot "vampire" et désormais, il ne pouvait quasiment plus ciller tellement il avait peur de perdre Ayla. Il ne savait pas vraiment comment elle percevait ses réactions ou ses émotions (voire ses larmes) mais, en tout état de cause, il devait être pathétique. Pas tant à cause de son attitude hypersensible que par ses mots lourds de sens et de conséquence prononcés à une rapidité folle. Lui qui, habituellement, pouvait mettre des mois avant d'oser adresser la parole à quelqu'un qu'il croisait régulièrement dans la rue… il venait de dire à la plus jolie fille qu'il n'avait jamais rencontré qu'il l'aimait.

Bientôt, il fut extirpé de ses rêveries par la jolie rousse. Elle se redressa et derechef il fut pleinement ensorcelé par ce regard troublant mais curieusement un tant soit peu mélancolique. Peut-être qu'elle regrettait ce qui venait de se passer. Peut-être aussi qu'elle allait user de son don surnaturel pour sonder l'esprit de David afin de bien prendre conscience qu'il l'aimait du plus profond de son être. Il serait alors aisé -mais pernicieux- pour elle de le faire souffrir. David réfléchissait trop et trop vite, cette tendance à la paranoïa qu'il développait depuis des années le poursuivait encore et encore. Il savait qu'il se trompait sur Ayla, qu'elle n'était pas capable de lui faire du mal volontairement mais pourtant, ce genre d'absurdités persistait à tourbillonner dans sa tête. Heureusement, la jolie rousse déposa de ses lèvres glaciales un baiser paradoxalement sensuel et brûlant sur celles de David. Il retrouva son sourire et redevint aussi détendu qu'avant. Il se dit néanmoins, à regret, qu'il avait encore beaucoup de progrès à faire sur le plan de la confiance en soi et en celle des autres. Il ne devrait cependant pas émettre autant de réserve face à une femme à qui il vouait un amour aussi pur et sincère.

Lorsqu'il se rendit compte qu'Ayla approchait dangereusement son visage, et plus précisément sa bouche, de sa jugulaire, il se crispa un peu mais apparemment, la jeune femme ne perçut pas cette contraction. Il respira calmement en essayant de se persuader qu'elle ne lui ferait aucun mal, qu'elle n'était pas là pour ça et que… et puis, il ferma les yeux. Il repensa à Lestat, cette nuit-là, qu'il lui avait violemment arraché la chair tendre de son cou, qui avait d'une certaine façon violé son esprit en s'imprégnant délibérément de ses pensées. Tant bien que mal, David feignit d'être parfaitement serein mais il savait qu'il allait bientôt être trahi par le battement rapide et incontrôlable de son cœur. Pouvait-elle s'imaginer un seul instant que ce n'était pas grâce au contact enivrant de ses lèvres contre sa peau qu'il avait une poussée d'adrénaline ? Les deux étaient liés à cet instant, un formidable assemblage de peur et d'envie. Il sentit que ses mains se resserraient contre les hanches d'Ayla. Il aimait cet endroit, sa peau était plus douce encore, et il savait que ce geste était ambigu. Cela pouvait très bien dénoté son angoisse mais aussi le désir qu'il éprouvait face à Elle. David résista à l'envie de la repousser, certes gentiment, mais il fallait à tout prix qu'elle cesse. Il éprouvait une sorte de mal-être qui s'apparentait à la claustrophobie : il était retenu par Ayla sans aucun moyen à sa disposition pour lui échapper. Il manquait d'air en plus de manquer d'espace, cela devenait insupportable… Il constata néanmoins qu'elle ne le mordait pas profondément et que, par conséquent, elle n'avait pas l'intention de faire la même chose que Lui. Et puis, elle s'arrêta brusquement. David se sentit soulagé et put enfin reprendre ses esprits. Il n'était plus bloqué et respirait de nouveau plus ou moins normalement. Mais il ne savait pas que sa Princesse allait lui annoncer une si mauvaise nouvelle : elle devait partir. Il avait omis ce détail. Elle ne pouvait évidemment pas se permettre de flâner la journée… Il fut alors emprunt d'un grand sentiment de tristesse, presque de vague mélancolie. Il se rendit compte que les larmes lui montaient de nouveau aux yeux et, d'un revers de main, il fit disparaître la seule qui était venue souiller sa joue. Elle lui redit une nouvelle fois qu'elle aimait… Il devint davantage accablé par ce départ précipité mais, en rassemblant le peu de force qu'il lui restait, il se leva et rattrapa Ayla avant de la laisser filer. Il l'embrassa ardemment, l'enlaça une dernière fois.

_ Je t'aime aussi ma Chérie. A ce soir, passe une bonne nuit.

Il tenta de lui adresser un sourire qui ne traduisait pas son chagrin, au prix d'un effort surhumain. Et puis, il se retourna et alla imprégner son oreiller des larmes qui ne demandaient plus qu'à s'écouler.

Ayla était partie de l'appartement de David à peine une heure avant l'aube. Elle n'était pas très bien, et elle savait que ce sentiment de mélancolie mêlé d'angoisse était dû à sa réaction face à David. Le jeune homme l'aimait sincèrement, mais il éprouvait une peur inconditionelle et incontrôlable des vampires. Donc par conséquent elle le terrifiait. Et Elle... Elle, elle se sentait étrange. Le bien être qu'elle ressentait quand elle était dans ses bras, la tendresse qu'il lui inspirait... Tout cela réveillait en Ayla des sentiments passés, enfouis pour ne plus souffrir. Ce monstre sanguinaire et drogué représentait l'inverse de David. Elle était profondément méchante et cruelle, et lui était...était si gentil, tellement adorable et touchant qu'elle en pleurait. Oui, en le quittant, Ayla pleurait.Elle savait qu'elle jouait avec le feu, qu'elle jouait avec Sa vie, qu'elle allait finir par perdre l'esprit et qu'elle le mordrait... Mais comment lui faire oublier Lestat, lui expliquer la merveilleuse sensation que l'on éprouve lorsque l'on goûte un nectar aussi délicieux que le sang, la vie fantastique qu'ils pourraient avoir, ou que lui seul vivrait, s'il le désirait... Ayla ne savait que faire.
Avant que le soleil ne se lève, elle était partie en chasse. Elle avait séduit puis tué une jeune fille d'une quinzaine d'années. Ce n'était qu'un service qu'elle lui rendait, la demoiselle se prostituant, et se droguant également. Ayla l'avait sentit au goût légérement acidulé de son sang, et de ce fait elle n'avait pas eu besoin de se piquer. Elle était rentrée chez elle dans un brouillard gris. Dans sa cave d'immeuble amménagé à sa fantaisie. Elle avait choisi un sous sol assez grand qui lui permettait d'être à son aise. A peine s'était-elle déshabillée qu'elle s'endormit, des larmes salées coulant sur ses joues glaciales.

Ayla s'éveilla assez tôt. La nuit venait selement de tomber. David devait l'attendre... Elle repoussa les draps de satin de son grand lit et s'habilla rapidement. Il lui fallait une proie... En sortant elle se dirigea vers la ruelle qui jouxtait l'immeuble, et au bout de quelques minutes seulement elle accosta un homme, assez étrange d'ailleurs. Même s'il était dans la force de l'âge, elle n'eut aucun mal à le vider de sa subtance vitale. Rentrant chez elle satisfaite, elle ôta le vieux survêtement qu'elle avait mis et partit se doucher. Le jet d'eau brulant sur sa peau rosie par le sang lui fit le plus grand bien.

*Quelle horreur... Ces traces de piqures sont réellement atroces... *

Elle comptait aussi pas mal de scarifications sur sa peau diaphane.Soupirant, elle se sécha et revêtit un haut en résille noir. Elle mit une jupe ample, noire bien évidemment, qui traînait sur le sol. Elle enfila ses bas, en résille également, et remit un haut en dentelle, histoire que l'on voit moins ses sous-vêtements. Elle redoutait en quelque sorte d'aller chez David, mais elle lui avait promis, et bien qu'elle avait des difficultés à se l'avouer, elle l'aimait. Elle se détestait d'éprouver de tels sentiments, surtout envers un être aussi angélique que sa victime. Car un jour où l'autre, il risquerait d'être sa proie , et il était déjà victime de sa nature....

Cessant de ruminer ces pensées, elle partit de sa cave pour sa rendre chez son amant. En une dizaine de minutes, elle était arrivée. Essayant de se calmer, et surtout de refreiner son envie de s'enfuir, elle sonna et attendit, appuyée sur le chambranle. Elle ne put cacher son air mélancolique, ni le tremblement qui s'était emparé d'elle.

*Je suis stupide...réellement perverse...*

Soupirant une fois de plus, elle s'efforça de sourire lorsque la porte s'ouvrit...

Depuis qu'elle était partie, David se sentait affreusement triste. Il avait passé une nuit assez pénible, repensant inlassablement aux baisers de sa jolie rousse. Et puis peut-être aussi aux mots qu'elle avait prononcés et qui ne cessaient de résonner dans sa tête. Il n'avait jamais été aussi heureux avec elle mais paradoxalement, jamais il n'avait eu l'impression d'être si inutile que durant cette journée interminable. Il avait à peine mangé, n'avait à aucun moment eu envie de sortir ou de se donner la peine de se changer les idées. Il n'avait fait que penser à Ayla, se plaisant même à croire que sa vie serait plus simple s'il pouvait passer tout son temps avec elle. Il avait imaginé des dizaines de fois la scène fatidique du baiser létal de sa promise. Quelques frissons lui avaient parcouru le corps et l'avait surtout ramené brusquement à la réalité : il était incapable pour le moment de supporter le fait qu'elle pourrait lui donner la vie éternelle. A condition bien sûr qu'il meure une première fois. Cette solution était dure à envisager et il ne savait pas si cela valait vraiment la peine d'y songer après seulement une nuit passée avec cette merveilleuse femme. Une nuit, non pas une nuit parmi tant d'autres mais celle qu'il considérait comme la plus belle de sa vie désormais.

Alors que la luminosité commençait à décroître et que seuls quelques rayons orangés faisaient baigner l'appartement de David dans une ambiance feutrée, il considéra qu'il était temps d'aller se préparer. Son cœur battait la chamade ; elle était sur le point d'arriver, il le savait. Elle lui avait promis, elle allait respecter sa promesse. David essayait de s'en convaincre mais sa paranoïa habituelle reprenait toujours le dessus au moment où il s'y attendait le moins. A présent, il ressentait une vive douleur dans le ventre. Quelque chose qui le faisait atrocement souffrir et qu'il n'avait jamais éprouvé avant. Il tenta de se détendre en buvant une infusion et en mangeant quelque chose de léger mais la douleur persistait. Il s'avança vers son armoire, sortit un pantalon noir et un pull blanc, fila en direction de la salle de bains où il prit une agréable douche chaude. Il s'habilla puis remit en place ses cheveux épars. Alors qu'il s'apprêtait à allumer quelques bougies, il entendit quelqu'un frapper à la porte d'entrée. Il ferma les yeux, respira profondément et fit abstraction du fait que son cœur était sur le point de sortir de sa poitrine tellement il battait fort. Elle était là.

Il marcha d'un pas lent, bien que son envie de voir Ayla était incommensurablement intense. Il voulait faire durer le plaisir jusqu'au bout même si, en l'occurrence, cela ressemblait plutôt à de la torture. Il saisit la poignée de la porte, la tourna et vit alors apparaître le visage souriant de sa promise. Ce qu'elle était belle… Elle était entièrement vêtue de noir, laissant subjectivement entrevoir ses formes divines, et exhalait une douce odeur envoûtante. David hésita un peu, il ne savait pas vraiment comment il devait agir avec elle, mais après tout, il considéra que la soirée qu'ils avaient passée ensemble la veille était suffisamment importante pour se permettre d'embrasser Ayla. Il s'avança alors un peu plus encore de la jolie rousse, passa ses mains autour de sa taille fine et l'embrassa amoureusement.

_ Bonsoir ma Chérie, comment vas-tu ? Tu m'as terriblement manqué tu sais…

Levant les yeux, Ayla vit le doux visage de son Ange. Son pull blanc lui donnait un air irréel, en parfait accord avec sa chevelure argentée. S'il avait été entièrement vêtu de cette couleur, Ayla aurait douté de sa nature humaine. Elle prenait lentement conscience que David méritait l'immortalité, cela elle n'en doutait pas une seconde, mais certainement pas l'immortalité des Vampires... Elle lui sourit et, passant ses bras autour de son cou, lui rendit tendrement son baiser.

_ Je vais... plutôt bien mon Amour... Tu m'as manqué aussi... Tu n'as pas vraiment l'air dans ton assiette, tu ne t'es pas reposé ?

Ayla resta ainsi appuyé sur lui, elle ne voulait pas le lâcher... Elle repensait à sa rencontre, et se rendit compte qu'à présent elle s'était éprise de lui, beaucoup plus qu'elle n'aurait du. Jamais, jamais elle ne s'était autorisée à éprouver de tels sentiments, jamais en aucun cas elle n'avait cédé aux charmes des hommes ou des femmes qu'elle avait rencontré. Mais Il était différent, si fragile, si beau, si passionné... A côté de Lui, elle faisait figure de monstre... Elle eut un sourire amer à cette pensée. Elle ne faisait pas uniquement figure de monstre, elle était un monstre. Tentant d'oublier qu'elle ne pourrait apporter que de la tristesse et de la souffrance à son amant, elle le fit reculer d'un pas et referma la porte de l'appartement. Elle lâcha enfin le jeune homme et ôta son manteau. Elle ne pouvait se détacher de son regard limpide qui laissait entrevoir sa peur et son désir mêlés. Elle baissa cependant les yeux, se disant qu'elle croirait qu'elle lisait dans son esprit, alors que ce n'était pas le cas. Elle n'en avait pas besoin pour voir ce qu'il éprouvait. D'une voix douce, elle tenta de détendre l'atmosphère.

_ C'est joli, toutes ces bougies. Je dirais même que c'est romantique...

Ayla affichait un sourire mutin mais la tristesse se lisait dans ses grands yeux verts, pour quiconque sachant observer un minimum...
Subitement elle s'avança vers on amant pour l'embrasser passionnément. Elle n'était pas mal, pas physiquement tout du moins, mais la torture mentale, la terreur de Lui faire du mal la génait au plus haut point et elle ne savait sur quel pied danser. Ses mains caressaient son visage et son cou, s'attardant sur des détails qu'elles effleuraient.

*Ayla, fais quelquechose. Vite. Avant de faire n'importe quoi... *

_ Parle moi un peu de toi, mon Amour... Je ne sais pas grand chose de toi en fait... La seule chose dont je suis sûre, c'est que tu es un bourreau...

Constatant son air étonné, voire blessé, elle lui adressa le sourire le plus franc et un tant soit peu chaleureux.

_ Oui tu es un bourreau, mon Chéri. Tu n'imagines même pas quelles tortures tu me fais subir, depuis que je t'ai rencontré, hier...

Elle s'arrêta quelques secondes, prit les mains du jeune homme, les embrassa délicatement, et murmura :

_ Tout cela parce que je t'aime, Bel Ange... Je t'aime...

Elle se blottit dans ses bras, ferma les yeux et se laissa emporter par les battements rapides du coeur de David.

David suivait les mouvements de sa compagne comme si elle était la seule à pouvoir guider les siens. Il ne pouvait détacher son regard de cette femme si mystérieuse et pourtant si chaleureuse. Il remarqua aussi bien à travers ses gestes qu'à travers ses paroles qu'elle était un peu perdue, un peu triste aussi. Il préféra ne pas émettre l'hypothèse que son attitude était dictée par la peur qu'elle ressentait à l'idée de le blesser. Il voulait que tout ceci change car il savait désormais qu'il ne pourrait plus se passer d'elle, de ce contact à la fois dangereux et tellement agréable. C'en était presque glauque cette relation. David ne connaissait rien des vampires, si ce n'est leur désir avide de boire le sang de leur victime, et en l'occurrence, il pourrait devenir celle d'Ayla. Il ne voulait pas être réduit à ce rôle déshonorant et il voulait que cette appréhension qu'ils ressentaient chacun différemment ne soit plus qu'évanescente. S'il devenait vampire à son tour, cela n'effacerait pas instamment ses craintes évidemment, puisqu'il aurait toujours une peur terrible de la perdre ou de la décevoir, mais au moins il aurait le temps de lui prouver qu'il l'aimait suffisamment pour qu'elle le pardonne. Peut-être allait-il avoir des siècles devant lui, des siècles à pouvoir contempler cette beauté froide et surnaturelle, à embrasser ces lèvres glaciales mais si douces, à lui murmurer qu'il l'aimait. Et ce simple aperçu lui suffisait à penser qu'il fallait vraiment qu'il affronte sa peur une fois pour pouvoir être un tant soit peu libéré.

Son cœur se mit à battre à une vitesse folle. Elle venait de lui annoncer quelque chose auquel il ne s'attendait pas. Comment pouvait-elle penser à cela ? C'était elle, la tortionnaire dans toute cette histoire. Elle était entrée dans sa vie avec une telle rapidité, et s'était emparée avec un tel empressement son pauvre cœur, humain de surcroît… Mais les mots qui suivirent ne firent qu'augmenter l'ardeur des sentiments de David envers cette si jolie rousse. Il souriait même, un sourire un peu crispé certes mais qui pourtant trahissait tout la griserie dont il était désormais envahi. Lui aussi avait réussi à voler le cœur immortel d'une si jolie princesse. Dans quel autre état que la félicité pouvait-il être à présent ? Peut-être une vague ivresse, celle qui était la suite logique de ce ravissement. Oui, il était ivre. Ivre d'amour pour elle. Les battements de son cœur n'étaient plus maîtrisables, ils lui en faisaient presque mal à la poitrine tellement leur mouvement était rapide, fort et régulier. Sans aucune relâche, à aucun moment. Parce qu'Ayla venait de se blottir dans ses bras et que rien n'aurait pu être plus enivrant à cet instant.

Il toucha ses longs cheveux flamboyants. Elle était divinement belle, elle paraissait si innocente et si pure. Et pourtant, il savait que ce n'était qu'illusion. La damnation qui la rongeait à l'intérieur était prête à ressurgir à tout instant. Il réfléchissait à comment pourrait se dérouler son éventuelle vampirisation. Il imagina un moment atrocement brutal, semblable à celui que lui avait fait vivre Lestat, des années plus tôt. Et pourtant, il prit conscience que cela ne pourrait jamais se passer de cette façon avec Elle. Non pas qu'elle en fût incapable mais elle se ferait un point d'honneur à éviter une telle scène. Elle s'armerait de patience et de douceur, profitant de l'instant qui l'unirait de la plus belle des façons avec lui. Enfin, David l'espérait. Il ne voulait pas que ce moment unique fût gâché. Et avec Elle, cela semblait impensable.

Ecoute-moi, écoute-moi bien…

_ Ayla, je crois qu'il est temps.

Il marqua une pause, bien trop soulagé d'avoir réussi à prononcer ses mots comme il l'avait souhaitait. Cet instant lui avait semblé si utopique lorsqu'il l'avait mis en scène, seul dans son appartement, avec pour simple compagnon son propre reflet tremblant dans un miroir qui ne réfléchissait que la triste réalité. Il tremblait, ses jambes semblaient être sur le point de l'abandonner. Il tremblait, il se contrôlait plus. Calme-toi David, calme-toi.

Il enlaça plus intensément encore son aimée. Il aurait voulu continuer à lui parler, ce vœu irréel qu'il était sur le point de lui formuler ne l'était évidemment pas tant que cela. Elle pouvait le réaliser, elle en avait la capacité. Mais le voudrait-elle vraiment ? Il avait été terrorisé la nuit précédente et à présent, il lui demandait de lui offrir le Don Obscur. C'était tellement invraisemblable, incohérent.

_ Il est temps que tu le fasses. Je ne veux plus avoir à te quitter, plus jamais.

Offre-moi la vie éternelle, mon amour…

Elle était plus perdue que jamais. Ayla venait d'entendre son amant, terrorisé par sa nature démoniaque, lui demander de lui offrir l'immortalité. Elle ne laissa rien paraître, mais une véritable bataille se livrait en elle. Oui, ils pourraient vivre ensemble, dans la plus parfaite harmonie, mais cela à quel prix... Ne répondant pas immédiatement à son injonction, elle l'embrassa à nouveau. Quel effort avait-il du faire pour parvenir à la prier de lui donner la mort ? Elle avait la capacité de lui offrir l'immortalité, et de faire de ce moment le plus beau de sa vie, mais le supporterait-il ? Elle soupira et tourna le dos à David.

Fermant les yeux, elle s'aperçut qu'elle tremblait. Et qu'à la simple idée de mordre le jeune homme, un appétit sourd et féroce s'emparait d'elle peu à peu. Comme une litanie douce et entêtante qu'elle ne laisserait pas atteindre son paroxysme. Elle fit volte face et fixa son bel Ange dans les yeux. Elle n'hésita pas à sonder son esprit. Elle devait voir ce qu'il ressentait, ce qu'il coulait réellement, s'il était près à assumer son choix, qui lui serait fatal. Son coeur était torturé entre sa terreur et son amour, mais la balance penchait en sa faveur. Son traumatisme était surmontable. Le chemin serait long et semé d'embûches, mais la patience était le clef de sa liberté. Ayla avait pris sa décision.



Il allait mourir. Mais dans le plus bel état de félicité qui puisse exister.

_ Es tu sûr de ta décision mon Ange ? Elle est irréversible...

David hocha la tête.

_ Tu n'es pas sans ignorer que tu devras tuer pour survivre ?

Il broncha, mais son désir d'être auprès d'elle était le plus fort, il était près à ce sacrifice.

Soupirant, Ayla lui prit la main.

_ Avant tout... Je voudrais que tu saches, ce n'est pas évident pour moi non plus... Même si cela n'a rien de comparable.

Tout en disant ces quelques mots, elle avait posé la main de David sur son coeur. Il battait à un rythme soutenu, beaucoup plus rapide que la normale. Pas aussi intensément que celui de son amant, certes, mais cela faisait longtemps qu'elle n'avait ressenti un tel amour.

*Fenrrir... Pourquoi m'as tu laissée... *

Fermant son esprit à tous ces souvenirs, elle se consacra corps et âme au moment présent. Elle fit ôter son pull à David et l'entraîna sur son lit.

_ Avant tout, il faut que tu te détendes mon Amour...lui murmura-t-elle à l'oreille.

Elle commença à lui masser lentement les épaules, tout en déposant de doux baisers sur sa nuque et dans son cou. Peu à peu elle perçut que le rythme cardiaque de son amant s'apaisait, sans toutefois revenir à la normale. Ayla devenait de plus en plus insistante dans ses caresses, déployant tout l'art qu'elle était en mesure d'apporter dans ce domaine. Les choses suivirent leur cours, et les deux amants se perdirent dans les abysses du plaisir. Ils firent l'amour longuement, s'abandonnant à leurs pulsions et à leur désir le plus sincère. David était un amant passionné, et il se montra à la hauteur des attentes de la vampire ? Après leurs ébats à la fois intenses et romantiques, Ayla laissa le temps à David de reprendre son souffle. Cette fois-ci son esprit était totalement libéré, et sa peur s’était très largement atténuée. La jeune femme écoutait les battements réguliers et forts de son cœur, la tête posée sur son torse. Son compagnon jouait avec ses cheveux et elle s’amusait à chatouiller sa peau douce. Lorsqu’elle jugea l’instant propice, elle se redressa lentement et fixa son Amour dans les yeux, d’un regard perçant et pénétrant. Elle lui parlait, mais sans qu’aucune parole ne résonne dans la pièce silencieuse.

*Je vais te mordre mon Ange… Surtout ne paniques pas, laisse toi aller et prends pleinement possession du moment présent… Ne te concentres pas sur la douleur et tu n’auras pas mal… Jouis seulement de ta mort, et du cadeau que je te fais… *

Le prédateur était là, cette fois-ci. Contrôlant toutefois son instinct carnassier, Ayla se pencha sur le corps étendu de David, rejeta ses cheveux en arrière et plongea sa tête dans son cou. Elle mordit la jugulaire palpitante, doucement d’abord, puis plus fort, et enfin le sang jaillit de la blessure. Elle but lentement, à longues gorgées, surveillant le rythme cardiaque de sa proie. Il n’arrivait pas à faire abstraction de sa peur. Sans relâcher sa prise, Ayla glissa sa main dans cele de son amant et la serra.

* Je T’aime, tu n’es pas un quelconque humain pour moi… Profites de ton dernier souffle et oublie… *

Les battements de son cœur ralentissaient, ils n’allaient pas tarder à disparaître. Ayla s’arrêta juste à temps. Tout en se redressant, elle constata que toute cette substancevitale si délicieuse l’avait grisée. D’une voix douce mais ferme elle dicta à David la conduite à suivre.

_ Tu vas boire mon sang à présent… Ce nectar si doux et précieux, encore plus précieux maintenant car ta survie en dépend…

Ayla s’entailla le poignet gauche avec ses dents acérées. Le sang afflua aussitôt à la plaie béante.

*Une cicatrice de plus parmi toutes les scarifications… *

Lentement, elle porta son poignet ouvert jusqu’aux lèvres de David. Inquiète à ce moment fatidique à l’idée qu’il ne boive pas, qu’il refuse au dernier moment de devenir tout ce qu’il exècre et qui le terrifie/terrifiait depuis tant d’années… Les craintes de la jeune vampire se dissipèrent lorsque son amant absorba les premières gouttes de liquide vermeille qui coulaient sur se lèvres. Au fur et à mesure, les gorgées bues se firent plus longues, et les joues pâles du jeune homme reprenaient quelques couleurs. Sa temérature corporelle avait sensiblement baissé, mais le sang maintenait une certaine chaleur, tout comme dans le corps d’Ayla, rendu d’apparence presque vivant. Les traces de la morsure d’Ayla dans le cou de David s’atténuaient. Au bout d’un long moment d’une parfaite osmose entre leurs deux êtres, la demoiselle retira son poignet des lèvres de son amant. La tête lui tournait, elle lui avait faire boire beaucoup de son propre sang craignant qu’il en manque.

Le souffle court, elle se leva lentement. Le corps inerte du jeune homme gisait sur le lit, il avait la tête posée sur l’oreiller ensanglanté. Reprenant ses esprits, elle s’habilla sommairement. Il avait besoin d’une victime à sa disposition dès son réveil, sa soif serait grande et difficilement tarrissable. Déposant un rapide baiser sur son front, elle sortit à la recherche d’une proie. Elle même s’avoua qu’elle était sur les crocs, et que le sang de son Ange devenu Démon lui avait ouvert l’appétit. Peu de temps après, elle revint accompagnée d’une jeune femme inconsciente. Elle la déposa dans un coin de la pièce ssans plus s’en préoccupée, ce serait le premier sang du nouvel être de la nuit.

David n’avait toujours pas bougé. Elle ôta les quelques vêtements enfilés à la hâte à peine une demi heure plus tôt et s’installa à côté du corps fin et musclé qui lui appartenait dorénavant. Caressant délicatement ses cheveux, elle lécha le sang qui restait sur les douces lèvres de son amant, soon propre sang.

* Eveille Toi à ta nouvelle vie mon Ange… *

David se doutait que cela n'allait pas être aussi facile que cela pour Ayla. Elle devait sans doute avoir peur de blesser le jeune humain, de lui remémorer des souvenirs dont il eut préféré faire abstraction en cette heure fatidique, et peut-être même qu'elle pensait qu'il agissait sur un coup de tête. Au quel cas, David pouvait être amené à regretter son acte, à se donner la mort de façon définitive après sa vampirisation et alors, ils ne seraient plus qu'un vague souvenir, qu'un amour avorté, qu'une proie parmi d'autres. Or, David ne voulait pas qu'elle ait peur puisqu'il était sûr de son choix cette fois, et, malgré quelques convulsions et son pauvre cœur de mortel qui battait la chamade, il tenta tant bien que mal de paraître détendu aux yeux de sa belle. Lorsque cette dernière lui posa la main sur son buste et qu'il sentit que le cœur de la douce vampire battait également très fort et très vite, il esquissa un sourire. Pour lui, c'était un peu comme un gage de sincérité quant aux sentiments qu'Ayla ressentait. Il imaginait mal qu'elle se mettait dans un état pareil avec chacune de ses victimes. Il s'en trouva alors plus fort, plus déterminé encore et, cette fois, les derniers doutes qui l'envahissaient disparurent au fur et à mesure qu'Ayla parlait. Les mots qu'elle prononçait sonnaient comme une douce mélopée, qui endormait partiellement David avant l'acte final.

Néanmoins, comme la jolie rousse semblait persuadée que David était encore rongé par la crainte et qu'elle s'apprêtait à se livrer aux plaisirs charnels, il sentit que son cœur se remettait à battre derechef et il en fut ravi. Si Ayla lui accordait ce dernier plaisir humain, il n'allait sûrement pas réfréner ses pulsions. Le massage qu'elle effectua sur ses muscles noués eurent l'effet escompté : il se détendit de plus en plus et déjà, l'envie de s'unir à la belle vampire se fit plus ardent encore. C'est pourquoi il laissa sa belle lui ôter son pull et il en fit bientôt autant. Il voulait réellement prendre son temps, après tout la nuit était à eux et toutes les autres aussi… Mais celle-là était la plus importante de toutes, il le savait et ne pouvait pas se permettre de faire le moindre faux pas. La jeune femme était à présent nue, sa peau était incroyablement douce et envoûtante, de par l'odeur subtile qui s'en émanait. David était de nouveau impressionné par la froideur du corps d'Ayla, ayant presque fait abstraction du fait qu'elle était vampire, mais n'en tint pas rigueur très longtemps. Il embrassa doucement son amante dans le cou et il se laissa doucement aller à la passion qui s'emparait de lui, prenant largement le dessus sur tout le reste. Il mordilla subtilement la peau d'Ayla, en descendant logiquement vers la partie du corps qu'il préférait : le ventre. Celui de la jolie rousse était particulièrement beau parce que sa peau y était d'autant plus suave et d'autant plus diaphane. Et puis, il embrassa langoureusement les lèvres de sa douce, lesquelles avaient un goût exquis, et lorsqu'il entendit le souffle saccadé et qu'il sentit les légères contractions abdominales d'Ayla, il sut qu'elle se trouvait dans un état de béatitude qui s'approchait sensiblement du sien propre. Jamais il n'aurait pensé qu'il se serait retrouvé dans les bras d'une femme aussi lascivement charmante, aussi voluptueusement attrayante. Une femme qui l'aimerait et dont il serait lui aussi éperdument amoureux.

Le jeune homme s'empressa d'aller embrasser sa douce, et leurs ébats charnels durèrent encore de longues minutes, mêlant la douceur et l'ardeur. Ayla apparaissait vraiment comme la femme idéale, une sorte de beauté froide intouchable qu'il avait pourtant réussi à émouvoir et pour qui, au sens propre, comme il le démontrait ce soir-là, comme au sens figuré, il aurait donné sa vie, il aurait été capable de tant de sacrifices. Il se sentait tellement apaisé, tellement émerveillé, tellement enchanté à ses côtés qu'il se surprit à penser que ce n'était qu'un rêve. Ce genre de rêve si réaliste qui contraste tant avec la brutale réalité, et qui nous fait tellement souffrir quand tout est fini, quand les souvenirs deviennent évanescents, insaisissables… en somme, frustrants. Cette fois pourtant, il se sentait tellement vivre à ses côtés qu'il savait pertinemment que cela ne pouvait pas être uniquement une chimère. David fixa son amante, elle était vraiment parfaite. Ses longs cheveux roux retombaient sur sa poitrine et il s'amusait à entortiller une mèche de cheveux flamboyant autour de son doigt. Il avait cette douce sensation euphorisante d'être un enfant pur et innocent dans les bras d'une créature de la nuit, une créature représentant le Mal et qui était sur le point de le pervertir. Il n'osa pas en faire part à Ayla, il savait qu'elle se serait sentie mal à l'aise et que, peut-être, cela l'aurait un tant soit peu freinée ou même vexée. Il ne la connaissait pas suffisamment pour prévoir ses réactions, si tant est qu'un vampire puisse en avoir, de façon ostensible en tout cas.

Alors qu'il s'y attendait sans vraiment s'y attendre, il fut stoppé net dans son divertissement éphémère ; Ayla venait de se redresser sur le lit et, à son plus grand étonnement, David pouvait entendre sa voix cristalline sans que ses lèvres ne remuent. Elle lui demandait de ne pas paniquer et de profiter de ce moment unique. David aurait pu avoir peur quelques heures plus tôt mais désormais, il était conscient que cela n'avait aucun rapport avec celui qui avait failli lui arracher la vie lorsqu'il était plus jeune. Il n'y avait alors aucun sentiment, aucune volonté de faire plaisir à l'autre, réellement de jouir de cet instant. Cela n'avait été qu'un vulgaire enchaînement de crainte, de violence, de douleur et de frustration. Dorénavant, il était certain de l'amour qu'il portait à son amante, et réciproquement. Il se plaisait à penser qu'il faisait ça pour elle, qu'il n'avait maintenant plus aucune raison de la quitter, qu'ils pourraient devenir inséparables et que leur amour serait indestructible.

Lorsque la jeune femme s'approcha de sa jugulaire, David sentit une pointe d'appréhension l'envahir de nouveau. Il avait peur, certes, mais c'était une peur grisante, terriblement agréable. Il ressentait un désir mêlé d'angoisse ; son cœur battait plus vite et plus fort que jamais ; son corps brûlant semblait progressivement perdre de sa chaleur. Ayla planta alors ses canines acérées dans la gorge de son amant et, à la grande surprise de David, il ne ressentit aucune douleur. Au contraire, c'était tellement plaisant cette sensation. Il pouvait ressentir toute la force qui émanait de sa compagne. Il comprenait également qu'elle était en train de voir une foule d'images appartenant à sa vie défiler à une rapidité assez soutenue. C'était toute son enfance qu'elle était en train de découvrir. Des secrets les plus précieux jusqu'aux détails les plus insignifiants. Il vit alors sa génitrice, la terrible froideur de celle-ci, et puis soudainement le contraste depuis cette nuit durant laquelle Lestat l'avait agressé. Il discerna les lieux qu'il avait considérés comme les plus intimes, les plus secrets : de cette rivière où il passait toutes ces journées d'été jusqu'à cette cave sordide où il s'était abandonné à quelques substances illicites… Peut-être qu'Ayla y verrait alors un signe, peut-être qu'elle s'y reconnaîtrait.

David éprouvait vraiment un plaisir malsain, une sorte de masochisme pernicieux en fin de compte. Il ne ressentait pas la douleur mais il savait qu'il souffrait, seulement cette souffrance était largement atténuée par le plaisir, presque la jouissance qu'il éprouvait à cet instant. A mesure que son sang était extrait de son corps, il maîtrisait de moins en moins ses mouvements et ses réactions. Les gémissements, le souffle saccadé, le cœur battant plus lentement, l'impression que cet instant devait durer l'éternité… Le jeune homme, qui allait bientôt quitter son état de mortel pour rejoindre la vie éternelle auprès de sa princesse, était véritablement dans un état d'extase. Jamais il n'avait ressenti quelque chose de si fort…

Et les images défilaient toujours, bientôt il se vit dans un bain brûlant dans lequel il avait éparpillé des dizaines et des dizaines de pétales de rose, il pouvait presque humer l'odeur subtile qui s'échappait de cette pièce riche de souvenirs pour lui. Cet endroit était le seul où il se sentait en sécurité, où rien ne pouvait l'atteindre, pas même ses vieux démons. Ainsi, il sentit que son corps se détendait davantage et bientôt, ses souvenirs furent légèrement brouillés puisque Ayla lui murmurait qu'elle l'aimait et qu'il fallait qu'il profite de ces instants… Comment pouvait-il en être autrement ? Il l'aimait, il était même ivre d'amour pour elle et il était en train de vivre le moment le plus délectable de toute sa vie… Cette vie qu'il s'apprêtait pourtant à quitter. Il se plut même à penser que si mourir ressemblait à cela, il aurait dû y songer bien avant... Bien que la Mort n'eut pas le même goût sans cette femme divine à ses côtés… Divine, le mot était mal choisi puisqu'elle représentait justement tout ce qui s'écartait de Dieu en cet instant. Mais peu importait pour David ; il avait réussi à surmonter sa peur, il était parvenu à ressentir une jouissance infinie et ce même dans la douleur (certes, infime)…

Et puis subitement, elle s'arracha à lui. Ce lien si fort qui les avait unis durant une période qui lui avait semblé infinie venait pourtant de se terminer. Il était dans un état léthargique assez avancé. Les mots de sa douce lui parvenaient avec difficulté mais il comprit qu'il fallait qu'il s'abreuve du sang de sa belle en voyant cette dernière déchirer la peau soyeuse de son poignet. Elle le porta donc jusqu'aux lèvres de David et c'est à cet instant précis qu'il prit conscience de la douceur de cet instant. Certes, cela avait été déjà considérablement grisant lorsqu'elle lui avait délicatement pris la vie mais… sa renaissance ne le fut que davantage. Le goût subtil du sang de son amante était absolument exquis. Alors que le liquide vermeil coulait progressivement dans sa bouche, et qu'il reprenait donc petit à petit conscience, David ouvrit les yeux et contempla la beauté qui se trouvait en face de lui. Il ne l'avait jamais vue aussi parfaite… Quelques larmes perlèrent alors sur ses joues pâles. Des larmes liées à la liesse, à l'exaltation dont il était empreint. Et puis, Ayla enleva son poignet, sans doute parce qu'elle considéra que la dose de sang absorbée était suffisante. David sentit alors que son corps mourait, il souffrait vraiment cette fois et la douleur le fit sombrer dans un profond sommeil.

Ce n'est que plus tard qu'il se réveilla, Ayla se tenait tout près de lui, son corps était derechef nu et ce fut un nouveau choc pour le récent vampire : il voyait les choses d'une façon tout à fait différente désormais. Lorsqu'il était encore humain, il était déjà émerveillé devant la beauté d'Ayla. Mais avec ses nouveaux pouvoirs, avec cette nouvelle vision bien plus exacerbée qu'avant, il se rendit compte qu'il avait à faire à un Ange, à la représentation directe de la Beauté. De nouveau, il pleura en silence et vint se blottir contre sa compagne.

_ Diantre, ma chérie… Ta beauté est l'égale de l'amour que je te porte. Tu es tellement merveilleuse et tout a été si parfait… Je ne te mérite même pas, belle déesse.

Il adressa un sourire timide à Ayla et joua de nouveau avec une mèche de ses cheveux puis, il l'embrassa longuement. Et même ce baiser avait un goût inédit… Tout semblait avoir été embelli, même les choses les plus insignifiantes. La lumière qui éclairait la pièce avait une délicate couleur dorée, les draps souillés par le sang étaient devenus plus doux. Et tout semblait plus léger aussi. Les mouvements effectués par David ne lui demandaient aucun effort particulier et il s'étonnait même de la rapidité dont il faisait preuve. Et puis Ayla… Elle était tout simplement merveilleuse. De ses cheveux flamboyants jusqu'à ses yeux couleur émeraude, de ses courbes sensuelles jusqu'à sa posture lascive, de cette lueur dans ses yeux jusqu'à la blancheur de sa peau… Tout était parfait chez elle, absolument tout.

_ Je t'aime mon Amour, je ne te quitterai plus jamais à partir de maintenant. Plus rien ne peut nous séparer… Je t'aime tant ma princesse…