Les rayons du soleil s'étaient frayés un chemin à travers les persiennes à demi percées de la chambre. Une chaleur oppressante et une odeur entêtante d'orange flottaient dans l'air. Les couvertures recouvraient en grande partie le visage blême de David qui, péniblement, ouvrait les yeux pour affronter la lumière du jour. Durant la nuit, il s'était réveillé plusieurs fois ; sa peur de voir surgir Lestat pour le baiser létal l'envahissait de plus en plus et ses nuits en furent considérablement perturbées. Il ne rêvait plus, il cauchemardait simplement. Il faisait nuit, il était dans un grand cimetière, un léger brouillard s'était abattu sur cet endroit lugubre ainsi que sur les sépultures, et il ne voyait pas à plus de deux mètres. Il avançait fébrilement au milieu des tombes d'où s'échappait une inquiétante fumée rougeâtre et d'où semblaient s'échapper des voix troublantes qui lui répétaient inlassablement "approche-toi… N'aie pas peur…". Plusieurs fois dans la nuit, il n'avait pu supporter plus longtemps ce calvaire et s'était réveillé en sursaut, haletant et le front ruisselant de sueur. Un simple verre d'eau lui tenait compagnie et c'était déjà un effort surhumain pour lui de tendre la main jusqu'à sa petite table de nuit ; il ne pouvait donc pas se résoudre à se lever jusqu'au salon afin de se changer les idées, de lire un livre par exemple. Son appartement regorgeait d'ouvrages sur les vampires et tout le paradoxe de cet homme se situait ici : il s'entourait de choses qu'il exécrait. Plus qu'une marque de folie, cela s'apparentait bel et bien à une forme de sadisme. Pourquoi s'infligeait-il cela ? Lui-même n'avait pas de réponses à cette question, et pourtant…
David se leva donc péniblement de son lit, maudissant tous les esprits ténébreux qui venait hanter ses nuits puis décida d'aller se préparer afin d'aller vagabonder dans les rues inondées d'une lumière aveuglante qui se reflétait sur la mince couche de neige. Il se prépara un petit déjeuner digne de ce nom et quand il considéra qu'il était repu, il se dirigea vers son armoire. Il saisit un long tee-shirt noir, un jean troué à plusieurs endroits et un long manteau noir qui lui donnait une allure mystérieuse. Il enfila ses vêtements, alla jusqu'à la salle de bains pour se laver partiellement et pour arranger ses cheveux en bataille. Puis, il attrapa la clé de son appartement, ferma consciencieusement la serrure à double tour et descendit à toute vitesse les escaliers. Il remonta deux fois jusqu'à son appartement afin de vérifier que la porte était bien close. Puis, il descendit et poussa la lourde porte d'entrée et marcha sur le sol enneigé qui crissait sous ses pas. Il fut parcouru d'un frisson lorsque la froideur de la ville s'abattit sur ses épaules. Tout autour de lui, les gens s'agitaient et faisaient un bruit impressionnant. David finit par sourire béatement aux passants, il aimait vraiment cette ambiance joviale et surtout diurne… Il avança dans la rue maculée de blanc, les mains dans les poches, l'air un peu distrait. Il s'émerveillait de tout comme s'il savait que cela allait être sa dernière journée. Pourtant, rien ne le laissait présager. Il s'arrêta à une boulangerie, acheta une viennoiserie et alla la déguster sur un banc, un peu plus loin. De temps en temps, il observait l'attitude de ces hommes et de ces femmes qui lui semblaient excessivement pressés, affairés. Les femmes portaient de longues robes aux couleurs diverses, surmontées d'un long manteau et d'une paire de gants qui faisaient tout leur charme. Les plus exaltées d'entre elles étaient affublées de jupes trop courtes sur lesquelles elles s'efforçaient d'étendre le tissu, regrettant sûrement d'avoir été si distraite en s'habillant de la sorte le matin même, et arboraient une jolie teinte rosée sur leurs joues pâles. Les hommes quant à eux revêtaient des costumes de tissu noble qui leur donnaient une importance considérable. David observait donc cette masse curieuse et se demandait à présent si l'un ou l'une d'entre eux allaient finir par lui adresser la parole, remarquer sa présence, s'intéresser un tant soit peu à lui.